Comment la déminéralisation des sols peut-elle transformer nos villes et renforcer leur résilience face au dérèglement climatique ?
La réponse tient en un mot : la nature.
Face à la multiplication des inondations urbaines et des vagues de chaleur, reconquérir les sols imperméabilisés est en effet devenu une priorité.
Dès aujourd’hui, collectivités et aménageurs urbains s’intéressent de près à la déminéralisation des sols, ainsi qu’à la désimperméabilisation et à la renaturation des espaces urbains.
Il s’agit donc de remplacer le béton par la nature afin de lutter contre l’artificialisation des sols et ses effets néfastes.
Pourquoi un tel engouement autour de la déminéralisation des sols ?
Quels bénéfices concrets en attendre ?
Tour d’horizon des enjeux et des bonnes pratiques pour redonner vie aux sols urbains.
Comprendre la déminéralisation des sols
La déminéralisation des sols consiste à retirer les surfaces artificielles (bitume, dallage, béton) pour redonner au sol sa perméabilité naturelle puis y réintroduire de la végétation.
Aussi appelée désimperméabilisation des sols, elle représente la première étape vers la renaturation des villes.
Par opposition, la désartificialisation vise une renaturation encore plus poussée, avec un retour complet du sol à un état naturel.
Déminéraliser un sol imperméabilisé constitue donc une première étape, essentielle pour rendre possible cette reconstitution écologique.
Cette démarche s’inscrit en réaction à des décennies d’urbanisation galopante.
En France, par exemple, entre 20 000 et 30 000 hectares d’espaces naturels ou agricoles sont encore bétonnés chaque année1.
Autrement dit, l’équivalent d’un département disparaît régulièrement sous l’asphalte et le béton, aggravant alors le phénomène d’artificialisation des sols.
Face à ce constat, redonner de la place à la terre et à la végétation dans nos villes est devenu un impératif.
Cette renaturation peut ensuite s’envisager à toutes les échelles.
Du petit parvis minéral jusqu’à un quartier entier, chaque mètre carré rendu à la pleine terre compte bel et bien.
Lutter contre les inondations et les îlots de chaleur urbains
Rues entièrement goudronnées, parkings imperméables, cours d’école bitumées : ces aménagements minéraux empêchent l’eau de pluie d’infiltrer le sol.
En cas d’orage, toute l’eau ruisselle alors vers les égouts ou les cours d’eau et provoque fréquemment des inondations.
À l’inverse, un sol déminéralisé peut absorber une partie des eaux pluviales et réduire le risque d’engorgement des réseaux.
Ce retour de l’eau dans le sol contribue également à recharger les nappes phréatiques et à renforcer la résilience du territoire face aux sécheresses.
La gestion des eaux pluviales s’en trouve ainsi améliorée de façon naturelle.
Par ailleurs, enlever le béton au profit d’espaces verts crée des surfaces végétalisées qui rafraîchissent l’air par évapotranspiration et fournissent de l’ombre.
En été, ces îlots de verdure atténuent le phénomène d’îlot de chaleur urbain et améliorent le confort thermique des habitants.
À titre d’exemple, une toiture végétalisée peut afficher une température de surface jusqu’à 25 °C inférieure à celle d’un toit minéral en plein été.
La déminéralisation des sols participe ainsi directement à l’adaptation des villes au dérèglement climatique et à la prévention des risques (inondations, vagues de chaleur).
Avec le changement climatique, ces épisodes de pluies torrentielles tendent d’ailleurs à gagner en fréquence et en intensité, et mettent toujours plus à l’épreuve les infrastructures urbaines.
La désimperméabilisation devient donc indispensable pour limiter les débordements et les dégâts en ville.
Restaurer la biodiversité en ville
Entre 1990 et 2018, plus de 55 000 hectares de prairies naturelles ont disparu en France du fait de l’urbanisation, soit l’équivalent de deux fois la superficie de la ville de Marseille.2
En remplaçant des surfaces stériles par de la pleine terre et des végétaux, la déminéralisation des sols permet de recréer des habitats propices à la faune et à la flore locales.
Même de petits espaces renaturés (par exemple, un parterre fleuri à la place de pavés), servent de refuges et de corridors écologiques pour les insectes pollinisateurs, les oiseaux ou les petits mammifères.
La présence de plantes mellifères (riches en nectar) dans ces nouveaux îlots de verdure soutient également les insectes pollinisateurs comme les abeilles et les papillons, même en ville.
Peu à peu, ces micro-espaces renaturés peuvent alors se connecter entre eux et former une trame verte urbaine continue propice au déplacement de la faune.
Cette renaturation améliore ainsi la biodiversité urbaine.
Elle redonne aussi aux sols leurs fonctions écologiques (captation du carbone, cycle des nutriments, etc.).
Les espaces verts urbains améliorent, par ailleurs, le confort environnemental global.
Ils filtrent en effet une partie des particules fines et réduisent les nuisances sonores, tout en contribuant à une meilleure qualité de l’air.
Les habitants bénéficient alors d’un cadre de vie plus agréable : plus de verdure, moins de surfaces grises et poussiéreuses, des espaces extérieurs conviviaux favorisant le bien-être.
Des études ont ainsi montré qu’un environnement végétalisé a un impact positif sur la santé et la qualité de vie des riverains.
En ce sens, désimperméabiliser un parking ou la cour d’un immeuble n’est donc pas seulement une affaire d’écologie.
Il s’agit aussi, en effet, d’investir dans le bien-être des usagers et le développement durable des quartiers.
Enfin, des recherches établissent un lien entre la présence de verdure et la diminution du stress ou des maladies chroniques en ville.
Végétaliser la cité profite donc autant à l’environnement qu’à la santé publique.
Un objectif stratégique pour un développement durable
Au-delà des bénéfices environnementaux immédiats, la déminéralisation des sols s’inscrit dans une stratégie plus globale de transition écologique.
Elle répond notamment aux objectifs nationaux et européens de lutte contre l’artificialisation et le changement climatique.
Comme l’a rappelé Pascale Got, Vice-présidente du Département de la Gironde, « Le sujet de la désimperméabilisation s’inscrit dans une actualité forte, la mise en place de la loi Climat et Résilience ».
La loi Climat et Résilience de 2021 introduit en effet la notion de zéro artificialisation nette (ZAN) d’ici à 2050, ce qui pousse les collectivités à freiner l’étalement urbain et à compenser toute nouvelle emprise au sol par la renaturation d’autres sites.
La désimperméabilisation des sols urbains représente un levier essentiel pour atteindre ces cibles, en préservant une gestion plus durable de l’eau, mais aussi en renforçant la présence de la nature en ville.
En accord avec les engagements de développement durable pris par de nombreux acteurs publics et privés.
Au niveau européen, des programmes de coopération comme LIFE ou des réseaux de villes durables facilitent également le partage de bonnes pratiques en matière de désimperméabilisation.
Pour les entreprises et les grands comptes, intégrer la renaturation des sites dans leur stratégie RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) devient aussi un marqueur fort d’engagement environnemental.
Comment renaturer et désimperméabiliser concrètement ?
Déminéraliser un espace urbain ne se résume pas à enlever le béton au hasard.
Il convient d’abord d’identifier les zones prioritaires et faisables : friches, parkings sous-utilisés, cours d’école, pieds d’immeubles, trottoirs surdimensionnés, etc.
Une fois le site choisi, les travaux consistent généralement à retirer le revêtement imperméable (asphalte, dalles, enrobé) puis à préparer le sol situé en dessous.
Si la terre a été compactée ou polluée, une réhabilitation du sol s’impose (décompactage, ajout de terre végétale propre, amendements).
Puis, vient ensuite la végétalisation : plantations d’arbres, création de pelouses ou de prairies fleuries, installation de massifs arbustifs, etc.
Selon les cas, il est aussi possible d’opter pour des aménagements complémentaires comme des noues végétalisées (fossés paysagers qui collectent les eaux de pluie) ou des revêtements perméables stabilisés pour les cheminements.
Naturellement, chaque site présente des contraintes à étudier : présence de réseaux souterrains (canalisations, câbles), composition et stabilité du sous-sol, pollutions éventuelles, etc.
Un diagnostic préalable permet alors de choisir les techniques de renaturation les plus appropriées et d’anticiper les aménagements nécessaires (drainage, apport de terre végétale, protection des fondations voisines…).
Les solutions fondées sur la nature sont privilégiées pour gérer durablement l’eau et verdir la ville.
La ville de Bordeaux a ainsi lancé un programme ambitieux de végétalisation des cours d’écoles et de transformation des rues pour aboutir à une “ville éponge” capable d’absorber les pluies torrentielles.
De son côté, Paris a déjà transformé plus de 160 cours d’école en « cours Oasis » végétalisées et prévoit d’en aménager 360 au total d’ici à 2030.
Ces espaces scolaires désimperméabilisés servent désormais d’îlots de fraîcheur pour les élèves et les riverains en période de canicule.
De la même façon, la création d’îlots de fraîcheur passe souvent par la plantation d’arbres urbains et l’aménagement de parcs de proximité.
Chaque projet de déminéralisation des sols doit donc être pensé en concertation avec les usagers et adapté au contexte local (climat, type de sol, usages du lieu), ceci afin d’en assurer la pérennité et l’adhésion.
Favoriser l’engagement citoyen et la pédagogie environnementale
La déminéralisation des sols ne se limite pas à une opération technique.
Elle peut aussi devenir un outil pédagogique et citoyen.
En impliquant les habitants, les associations locales et les élèves dans la transformation de leur cadre de vie, les collectivités renforcent en même temps le lien social, et la sensibilisation aux enjeux environnementaux.
Plusieurs villes ont ainsi intégré des dispositifs de concertation participative dans leurs projets de désimperméabilisation, avec des ateliers de co-conception ou des chantiers participatifs.
Cette approche inclusive favorise alors l’appropriation des lieux et la durabilité des aménagements.
Dans les établissements scolaires, les cours renaturées deviennent des supports concrets pour enseigner la biodiversité, le cycle de l’eau, ou encore l’adaptation au changement climatique.
En reconnectant les habitants à la nature, la renaturation des sols urbains encourage également des comportements plus durables au quotidien.
Elle incarne ainsi une clé de la réussite sur le long terme.
Des retombées économiques et sociales positives
La déminéralisation des sols ne se limite pas à ses effets environnementaux.
Elle offre aussi des retombées économiques mesurables et des bénéfices sociaux durables.