Comment concilier le désir de verdure en ville avec la nécessaire maîtrise de la ressource en eau ?
Aujourd’hui, arroser moins mais mieux s’impose comme un impératif tant pour les collectivités que pour les entreprises ou les écoles qui gèrent des espaces verts.
Dans un contexte de changement climatique, où les épisodes de période de sécheresse se multiplient, l’efficacité de l’arrosage du jardin ou des parcs publics devient cruciale pour réaliser des économies d’eau.
Les données Météo-France rappellent ainsi qu’en France, « plus de 30 % du territoire a été concerné chaque année par des restrictions d’usages de l’eau » entre 2017 et 20201.
Face à la raréfaction de l’eau potable, les gestionnaires d’espaces verts doivent donc adopter des pratiques d’arrosage intelligentes et durables.
Les enjeux du contexte actuel
La ressource en eau est limitée et extrêmement précieuse.
En effet, la part « indispensable à de nombreuses activités humaines (eau potable, agriculture, industrie, énergie) et au fonctionnement des écosystèmes, est menacée par le changement climatique »2.
L’augmentation des températures et les pluies moins régulières accroissent l’évapotranspiration et réduisent la capacité d’infiltration des sols.
En ville, ces phénomènes aggravent le stress hydrique des plantations, alors même que la verdure contribue à la qualité de vie urbaine et à la résilience climatique (îlots de fraîcheur, capture du CO₂, biodiversité).
De plus, les périodes de canicule conduisent souvent à des restrictions d’arrosage dans les communes, voire à l’interdiction de remplir les piscines et d’arroser les jardins avec l’eau potable.
Concilier arrosage et économie devient donc un enjeu majeur.
Il s’agit de maintenir la santé des plantations en plein soleil ou à l’ombre, tout en réalisant d’importantes économies d’eau.
La qualité du sol et son niveau influencent par ailleurs grandement la gestion de l’eau.
Un sol riche en matière organique retient en effet mieux l’humidité du sol et soutient un système racinaire robuste.
À l’inverse, des sols pauvres ou tassés obligent à arroser plus souvent.
Enfin, l’arrosage des parcs et jardins s’inscrit aussi dans une logique socio-économique. Réduire la consommation d’eau utilisée signifie alors diminuer les coûts pour la collectivité et préserver les réserves locales.
Comme le souligne l’académicien et expert Erik Orsenna, « l’eau est un véritable challenge. Sa gestion avisée est l’un des principaux défis de notre époque ».
Principes de l’arrosage optimisé
Le principe de base pour arroser moins mais mieux est de fournir à chaque plante la quantité exacte dont elle a besoin, au bon moment, en fonction de ses besoins en eau.
Les besoins en eau dépendent du type de végétal, de son stade de croissance, de l’ensoleillement et de la nature du sol.
Un buisson en bord de route, par exemple, aura moins besoin d’eau qu’une pelouse sous le soleil d’été.
De même, les arbres fraîchement plantés demandent un arrosage régulier jusqu’à leur bon développement racinaire.
Tandis que les arbres installés depuis plusieurs années nécessitent surtout un arrosage en cas de sécheresse prolongée.
Il est donc essentiel de mesurer ou d’évaluer les besoins réels en eau.
Des capteurs d’humidité du sol ou des plateformes spécialisées existent pour quantifier le volume d’eau utile à chaque espèce végétale.
Sans technologie, on peut également ajuster l’arrosage en se basant sur l’aspect des feuilles (flétrissure signe de soif, feuilles rigides signe d’un apport suffisant) et en testant le sol à la main.
Un « conseil de pro » souvent cité consiste à regrouper les plantes selon leurs besoins : regrouper les espèces peu gourmandes (gazon, arbustes résistants) et celles plus exigeantes (plantes annuelles, massifs fleuris) pour les arroser différemment.
Ceci permet de réduire le gaspillage en adaptant la dose d’eau à chaque groupe végétal.
Préserver et enrichir le sol
Le sol est un allié clé pour réduire la consommation d’eau et arroser moins mais mieux.
Un sol vivant, bien structuré et riche en matière organique, retient l’humidité et nourrit les plantes.
Il convient donc d’améliorer la nature du sol en y apportant du compost ou du mulch (paillage organique).
Le paillage couvre la surface du sol, limite l’évaporation causée par le plein soleil et fertilise le sol. Tout en empêchant les mauvaises herbes de consommer l’eau.
Par exemple, une couche de 5-10 cm de paillis autour des plantations peut multiplier par deux la durée de rétention de l’humidité du sol.
On favorise également la création d’un système racinaire profond : arroser moins mais mieux et plus longtemps, encouragera les racines à descendre et à explorer une plus grande profondeur.
L’aménagement paysager influe aussi beaucoup sur l’efficacité de l’arrosage.
Une conception intégrée des parcelles, qui prend en compte les microclimats, les expositions et la topographie, permet de limiter l’élévation des températures du sol et le ruissellement des eaux.
Ainsi, planter des arbustes ou installer des cloisons végétales pour créer de l’ombre peut réduire le stress hydrique des plantes avoisinantes.
De même, orienter les allées et les zones plantées pour capter l’eau de pluie ou faciliter son infiltration au niveau du sol (fossés végétalisés, jardins de pluie) s’inscrit dans la démarche :
« Toutes les solutions sont dans la nature ».
Solutions techniques et innovations
Pour concilier arrosage et économie, les collectivités et les entreprises disposent aujourd’hui de nombreuses solutions innovantes.
Les technologies d’arrosage intelligent ou automatisées permettent d’optimiser l’eau fournie en temps réel, et d’éviter de sur-arroser.
Des capteurs enterrés mesurent par exemple l’humidité du sol et pilotent un système d’arrosage automatique connecté à Internet.
En fonction des prévisions météo et de l’humidité mesurée, ils ajustent alors automatiquement le déclenchement de l’arrosage.
Selon l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA), ce type de programmateur intelligent peut réduire de 38 % l’eau utilisée en arrosage extérieur.
En pratique, une collectivité dotée de tels dispositifs peut économiser des millions de litres chaque année.
idverde et d’autres acteurs du paysage développent également des approches basées sur l’intelligence artificielle pour arroser moins mais mieux.
Grâce à l’IA, le pilotage de l’eau devient prédictif. L’algorithme anticipe les besoins en eau en fonction des conditions (température, vent, pluies) et ajuste selon les apprentissages du passé.
Il peut ainsi retarder l’arrosage programmé si la pluie est prévue.
Ou au contraire, intensifier l’irrigation lors d’une vague de chaleur.
Ces solutions dites de « pilotage intelligent de l’irrigation » reposent sur la collecte de données (capteurs d’humidité, pluviomètres, météo en temps réel) et sur l’analyse pour respecter les besoins exacts de chaque massif ou gazon.
En réduisant les apports d’eau superflus, l’arrosage intelligent prévient également le ruissellement et l’érosion du sol, ce qui conserve la matière organique en place et évite de transporter des fertilisants vers les cours d’eau.